mardi 2 février 2021

(Parenthèse : les écueils de la communication)

 Je veux ici relater une anecdote qui à mon sens illustre bien les difficultés qu'on peut rencontrer avec un enfant autiste.

Le lundi n'est jamais facile : une semaine recommence, je travaille, et il faut reprendre le homeschool. Hier, au moment du repas, Dragon2 s'est adressé à J. et lui a dit "Je ne t'aime pas. Je n'aime pas quand tu es là. Et je crois que c'est pour ça que je n'aime pas ce que tu fais à manger." Il a été puni. Il doit produire une lettre d'excuses manuscrite.

Quand je suis rentrée, il était dans sa chambre et J. m'a expliqué la situation en disant : "Je ne lui en veux pas, mais il doit comprendre qu'il ne doit pas me manquer de respect. Je vous demande de le priver d'écrans jusqu'à ce que j'ai eu ma lettre."

Quand je suis montée le voir, Dragon2 était vraiment bouleversé. Très en colère. "J. elle est méchante !"

En reprenant les choses calmement avec lui, il apparaît qu'il n'a pas compris du tout pourquoi il était puni. Pour lui, c'était une décision arbitraire, et volontairement méchante puisqu'elle a choisi comme punition la chose qu'elle sait qu'il déteste le plus. Et elle use de son autorité pour le priver d'une chose qu'il aime tant qu'il n'a pas obéi à sa décision.

Jusqu'à ce que je lui explique, Dragon2 n'avait pas réalisé que ses paroles pouvaient blesser J. Il n'est pas venu le lui dire dans l'intention de l'attaquer, puisque (j'allais dire, par définition) il ne se met pas à la place de la personne qui reçoit ses paroles. (Et probablement que même en se mettant à sa place, ça ne lui ferait ni chaud ni froid à lui alors comprendre pourquoi elle se fâche est au-delà de ses capacités). Pour lui, il énonçait un fait, et une tentative d'explication. 

A vrai dire, je pense que c'était une preuve de confiance au moins, de s'ouvrir, même maladroitement, de ses émotions négatives, et tout ce qu'il en a retenu c'est que s'il exprime quelque chose de négatif en la présence de J. il sera puni. Pour le coup, je suis déçue de la réaction de J. Pour une adulte expérimentée qui a déjà travaillé avec des enfants autistes, j'attendais une réponse moins émotionnelle.

Quelque chose dans le genre " Je suis désolée que tu ne m'aimes pas. Je comprends que tu préfèrerais être avec ta maîtresse ou ta maman, mais ce n'est pas possible. Tu n'es pas obligé de m'aimer pour manger ce que je prépare." Après quoi, il était temps d'ajouter : "Regarde mon visage : tu vois, je ne souris pas et mes yeux sont tristes parce que ce que tu m'as dit n'était pas approprié et ça m'a fait de la peine. Dire aux gens qu'on ne les aime pas n'est pas une chose très gentille."

Je pense qu'elle aurait eu des excuses à ce moment, et plus sincères que n'importe quelle lettre écrite sous la contrainte.

En attendant, ça nous met, Monsieur Dragon et moi, dans une position inconfortable, pour rattraper le coup sans saper l'autorité (déjà sans arrêt testée et repoussée) de la nounou.

Nous avons écrit la lettre ensemble, Dragon2 et moi. Parce que même s'il ne l'a pas fait exprès, quand on fait mal ou de la peine à quelqu'un, on s'excuse. On a convenu que, s'il avait à dire quelque chose et qu'il n'était pas sûr que ce soit gentil ou pas, il vérifie avec moi d'abord. Et on a discuté sur le fait que des fois, c'est mieux de ne rien dire que de dire des choses qui blessent.

De mon côté, je vais essayer d'en toucher un mot à J. avec autant de diplomatie que je peux. Au fond de moi, je déplore vraiment qu'en appliquant ses méthodes de "Super Nanny" stricte, elle ait compromis davantage le respect et la confiance qu'elle attend de Dragon2. Le connaissant, ça va être difficile à rattraper. Et il plus facile d'expliquer les émotions d'un adulte à un enfant que de faire entendre à une personne sûre d'elle et de ses méthodes qu'elle a complètement foiré sur le coup (et qu'elle foire très certainement depuis 20 ans qu'elle les applique...). Je suis pas super optimiste. J'ai le sentiment que mes tentatives d'explication seront balayées comme le parti pris d'une mère un peu trop gentille avec son enfant. (Après tout, si je l'élevais mieux cet enfant, il ne dirait pas des choses comme ça pour commencer...)

Je me félicite qu'elle ne soit que la nounou, finalement, et que son père et moi puissions accueillir les émotions de Dragon2 et l'aider à naviguer dans les eaux troubles qu'est la communication avec les autres gens qui pensent "normalement". Je frémis en pensant à ces enfants pour qui c'est la réponse par défaut, et qui grandissent en intégrant qu'il ne faut rien dire d'autre aux adultes que ce qu'ils veulent entendre, et qu'il faut surtout ne pas parler de ses émotions négatives sous peine d'être puni.


3 commentaires:

  1. Quand j'ai lu la phrase prononcée par Dragon2, j'ai pensé immédiatement "merde ; il énonce un fait, mais ça va lui retomber dans la gu**". Quel dommage en effet que J. n'ait pas réagi avec un "ça me fait de la peine que tu me dises que tu ne m'aimes pas" sans se braquer.
    J'espère que vous allez réussir à rattraper le coup avec Dragon2. Dur...

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  2. Ah oui ! Je sais que notre Dragon 2 est extrêmement direct ... j espère que la situation va s arranger avec J. Heureusement que Maman Dragon veille ... des bisous

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  3. Effectivement, quand on connait Dragon 2 et qu'on s'est renseigné sur les troubles autistiques, on ne se sent pas attaqué par ce genre de parole et on répond comme tu as parfaitement su le faire après. C'est dommage ! Plein de gros bisous de tata qui a hâte de tous vous revoir !

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