vendredi 26 février 2021

Lockdown 3 : Living with Covid

 Vivre avec le Covid... C'est ainsi que s'intitule le nouveau plan du gouvernement. Lentement mais sûrement, le "nouveau normal" prend sa place.

Vivre en temps de Covid, c'est surtout rester chez soi : sans surprise, le niveau 5 a été prolongé, au moins jusqu'à début Avril. Vu qu'on a commencé fin Décembre, ce sera officiellement le confinement le plus long qu'on ait connu. Les magasins non essentiels restent fermés, restos et bars aussi, évidemment.

Les chiffres ayant cependant diminué, une reprise de l'école est envisagée, et a été confirmée pour les élèves les plus jeunes et ceux de Terminale. Si tout ne re-flambe pas d'ici là, les dragonnets devraient reprendre 15 jours plus tard, mais on n'ose pas encore trop y croire. Ils n'ont pas encore recommandé les masques en primaire, je me demande quand ça viendra (parce que ça me semble un peu inévitable). Autant ça paraissait compliqué de faire porter le masque à des 6 ans l'an dernier, autant maintenant j'ai de plus en plus d'enfants, même petits, qui arrivent masqués à la consultation. Porter un masque ça s'apprend, et ils apprennent super vite à cet âge, surtout s'ils voient tout le monde le faire. 

Mais c'est à peu près tout ce que dit le plan. Ils ne s'engagent pas sur des dates ou des mesures comme en Décembre où ça a tout foiré, juste ils préviennent déjà que quand ré-ouverture il y aura, ce sera tellement petit que ça se remarquera à peine (qui aurait cru qu'on serait un jour excités à l'idée de pouvoir se promener à 8 km de chez soi ou d'aller faire un tennis en extérieur ?). Les bars et les restos, pas avant cet été a priori, les hôtels on ne sait toujours pas.

Enfin ! Au moins les vaccinations avancent, lentement mais sûrement. Tous les résidents et personnels des maisons de retraite ont été vaccinés, les personnels hospitaliers sont en bonne voie, les autres personnels de santé commencent, et les généralistes ont commencé la vaccination des plus de 85 ans en ville.

J'ai eu droit à ma première injection mardi dernier, AstraZeneca parce que je suis jeune et que les deux autres sont pour l'instant réservés aux personnes âgées. J'ai pas vraiment eu le choix, et pour le coup, ça me semble judicieux de ne pas tergiverser sur Bidule qui veut celui-ci et pas celui-là, blabla. On vaccine avec ce qu'on a point barre. De toutes façons, ça ne permet pas de se dispenser des masques et des mesures barrières. Ca permet juste, si je le choppe, de m'éviter une forme sévère, et c'est déjà pas si mal. Cerise sur le gâteau qui semble se confirmer : ça m'évite, si je le choppe, de le passer à mes proches et ça c'est carrément bien. Les chiffres semblent montrer qu'à peine 3 semaines après avoir débuté la vaccination, le nombre de cas dans les Ehpad et parmi le personnel de santé avait chuté beaucoup plus vite que ne l'explique la baisse dans la population générale.

L'AstraZeneca utilise aussi une nouvelle technologie, certes moins glamour que le mRNA, et est réputé pour donner un bon syndrome grippal après la première injection chez 70% des gens. Personnellement, je n'ai pas eu de fièvre, mais bien fatiguée pendant 24h, avec des maux de têtes et des frissons, et le bras vaguement endolori. Ca va, c'est pas affreux. Faut juste pas prévoir d'être productif le lendemain, quoi.

Nous avons aussi passé la visite de suivi de Dragon2. Le chirurgien, avec toutes les radios qu'il a vu passer, confirme ce que le radiologiste n'a pas vu : un petit trait de fracture léger de la tête du radius (on dit Salter-Harris II dans sa langue à lui) qui explique l'épanchement à la fois au niveau du poignet et au niveau du coude. Sur la radio de contrôle, il est déjà en bonne voie de réparation, et le scaphoïde n'a rien, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. On a donc enlevé le plâtre et on l'a remplacé par une attelle amovible, plus pour éviter de reprendre un coup sur un zone encore fragile que pour autre chose, à garder deux semaines de plus.

On a donc repris l'école à la maison. Un peu moins pire que ce que je redoutais. Malgré tout, ça ne reste pas idéal. Ou alors c'est moi. J. m'a redit aujourd'hui qu'il fallait vraiment que je parte le matin, parce qu'ils travaillent tellement mieux quand je ne suis pas là... Genre je les perturbe quoi. Pourtant, quand je suis avec eux le mercredi, j'ai pas l'impression qu'ils soient si perturbés que ça. Je ne sais pas pourquoi elle me dit ça. Je ressens ça comme "casse-toi, laisse-moi faire mon boulot, t'es bien trop laxiste comme mère, mais je peux pas te le dire en face", mais je ne sais pas si c'est moi qui suis parano ou elle qui a tellement eu l'habitude de bosser avec des parents démissionnaires que ça la dérange beaucoup que je m'implique. Les gens, c'est pas facile des fois.

Enfin, on verra si ça clashe la semaine prochaine ou pas, vu que j'ai posé des congés mais pas elle, et que donc on sera à deux toute la semaine. C'est la semaine des anniversaires des enfants, quand j'ai posé mes congés en janvier je pensais qu'ils seraient à l'école et que ça serait sympa de les récupérer l'après-midi pour aller se balader. Haha. 

Au moins, y aura du gâteau !

vendredi 19 février 2021

Lockdown 3 : vacances et bras cassés

 C'est les vacances ! Enfin pour les enfants, Monsieur Dragon et moi-même travaillons.

Mais au moins, pendant une semaine, nous ne nous sommes pas pris la tête avec l'école et ça c'est déjà bien. Ca va être compliqué de s'y remettre lundi.

L'autre événement de la semaine, c'est Dragon2 et son bras dans le plâtre. Jeudi dernier,comme je l'appelais pour manger, il a couru dans la cuisine et à un moment son pied est resté collé au sol, il a chuté de tout son long et s'est rattrapé au dernier moment sur la main gauche. Sur le moment il s'est relevé et il était un peu pâle, je me suis dit qu'il s'était fait peur. Mais peu après, il s'est plaint d'avoir "le bras faible", et d'avoir envie de vomir, et a commencé à claquer des dents en restant assis sans bouger, et je me suis dit que c'était sans doute plus sérieux. Doliprane, glace et zou, dans la voiture pour aller voir mes copains de S. où je bossais avant.

Une dizaine de minutes après qu'on soit arrivés (30 min après le Doliprane) il a commencé à reprendre des couleurs et à se remettre à parler (ce que j'ai interprété comme moins de douleur) mais à aucun moment il ne s'est plaint d'avoir mal : juste de se sentir "faible". Et quand le docteur l'a examiné, ce n'était pas déformé, mais un point douloureux très localisé juste au niveau du scaphoïde. La radio ne montre rien, mais c'est fréquent initialement dans les fractures du scaphoïde, donc plâtre et re-radio la semaine prochaine.




Il n'était pas heureux, et m'a même reproché de l'avoir emmené, parce que se retrouver avec le pouce immobilisé juste avant une semaine de vacances où le programme consistait essentiellement à jouer aux jeux vidéos, c'est vraiment nul ! Bon, au final, ça va, parce qu'il a essayé et qu'il arrive quand même à jouer un peu alors c'est bon. Mais il se plaint encore souvent le soir, et aussi quand il essaie de tourner son bras, donc même si c'est pas cassé, ça doit quand même avoir été bien secoué là-dedans. Et souvent, c'est plutôt moi qui remarque qu'il est grognon, qu'il ne joue plus et reste assis en se tenant le bras et qui lui demande s'il veut un antalgique. De lui-même, il ne décode pas vraiment le signal j'ai l'impression.

A retenir donc : demander "Tu as mal ?" à un enfant autiste, ça ne suffit pas toujours. Des fois, ils ne savent pas reconnaître que oui.

Voilà. Ca va faire un an tout pile que la famille est venue en visite, et que je les ai vus pour la dernière fois "en chair et en os". A l'époque, on en rigolait "Haha, ils vous ont laissé prendre l'avion, malgré M. et sa fièvre ?" Ca donne des frissons dans le dos d'y penser aujourd'hui.

Ici les chiffres baissent, mais beaucoup moins vite désormais. On tourne entre 800 et 1000 cas/j, autour de 40 morts... La faute à B117, le coronavirus "anglais", beaucoup plus contagieux et qui représente désormais 90% des cas détectés ici. Officiellement, on est confinés jusqu'au 5 mars mais le Taoiseach a annoncé aujourd'hui que le gouvernement annoncerait la semaine prochaine (...) une prolongation du "niveau 5" pour à nouveau 9 semaines (jusqu'à fin Avril quoi). 

Les écoles ont repris pour les enfants special need (mais juste ceux en école ou en classe spécialisée), et pour les élèves de Leaving Cert year (l'équivalent de notre Terminale). Il est question de reprendre de façon étalée pour les écoles primaires à partir de mars, en commençant par les petites classes, vu que ce sont ceux qui bénéficient le plus du présentiel. Pour les 3rd class et au-delà, on serait sans doute après la St Patrick (si tout ne re-flambe pas à la ré-ouverture). Aucun mot d'ordre en ce qui concerne les élèves special need intégrés dans des classes mainstream. Initialement, le plan c'était qu'ils reprennent en même temps que les autres special need, mais d'un coup on n'en n'a plus entendu parler, et là encore, on ne sait pas s'il est prévu de les faire reprendre plus tôt quand les écoles rouvrent ou de les laisser galérer à la maison un peu davantage. 

Sans surprise, le système de tutorat offert par le gouvernement est tombé à l'eau : l'école n'a personne à nous envoyer, et nous propose de chercher nous-même et d'embaucher quelqu'un pour venir aider les enfants à organiser leur travail une heure par semaine. Genre, c'est simple, y a qu'à trouver quelqu'un prêt à signer un contrat d'une heure par semaine et qui va venir chez nous, et découvrir les dragonnets, et apprendre à les connaître et nous donner des conseils pour les aider. Genre avant que ça soit efficace, il faudra déjà au moins 8 semaines, et d'ici là l'école aura sans doute repris. Pis si c'est pour me dire de faire des timetables et d'avoir une routine régulière et de faire une charte du homeschooling, merci bien mais bon... Bref, je suis un peu déçue, parce qu'on nous fait miroiter du soutien et qu'en vrai, j'ai l'impression que c'est tout du vide, juste une façon de se donner bonne conscience en disant "on a proposé, elle en a pas voulu !" et qu'au final c'est encore nous qui faisons le mieux. Mais personne ne le reconnaît (hormis les maîtresses peut-être).

Côté météo, le redoux s'accompagne de pluie ++, mais enfin on entend des oiseaux et les jonquilles percent au fond du jardin, donc on sent le printemps qui pointe.



Et puis la bonne nouvelle du jour, c'est que je devrais être vaccinée la semaine prochaine ! J'espère sincèrement que je ne serai pas aussi malade que pour la grippe. Pour moi personnellement, ça ne change pas grand-chose, parce que je vais continuer à être confinée et à me masquer en permanence, mais au moins ça réduit mes risques de le ramener à la maison, et si jamais je le choppe, j'ai plus de chances de faire une forme légère (un de nos amis a passé une partie de la semaine à l'hôpital sous oxygène, on va tâcher d'éviter).

mercredi 10 février 2021

Lockdown 3 : la (petite) bête de l'Est, le retour

 Le vrai nom, c'est "stratospheric event". C'est quand les vents haut là-haut au-dessus du pôle changent de sens et nous envoient de l'air gelé. Ca s'était produit en 2018, et ici on avait appelé ça The Beast from the East. Pas de bol, cette année là, il y a eu une tempête en même temps, et c'était la première (et la seule) alerte météo rouge que j'aie vécu.

La semaine dernière, il s'est confirmé que The Beast from the East 2.0 allait bien avoir lieu. Les journaux ont commencé à titrer : "Attention, grosses chutes de neige, 4 jours de gel consécutifs !" J'ai rempli les placards et je m'étais presque faite à l'idée de rester cosy chez moi et de ne pas aller bosser cette semaine. Du coup, je suis limite déçue, parce que certes il fait très froid et le vent est glacial, mais en terme de grosses chutes de neige : nada ! Il tombe du grésil de temps à autres, quelques flocons, mais vraiment rien de dramatique, pas même de quoi jouer dehors comme ce dimanche en janvier. (Bon, je vais juste espérer ne pas me porter la poisse pour demain en ayant écrit ça).




Je continue à écrire Lockdown au début de mes posts, mais honnêtement, je me demande pourquoi. Ce n'est plus une situation exceptionnelle, c'est en train de devenir le mode par défaut de nos interactions, et à un mois de la date de fin théorique, le gouvernement commence déjà à dire "vous savez, ça va vraiment pas rouvrir vite, ne vous attendez pas à du mieux avant Mai ou Juin, on est en train de réécrire les règles."

On ne peut pas le leur reprocher, leur plan était au point mais so 2020... Malgré la science qui galope, et les efforts immenses déployés, ce satané virus a toujours une demi-longueur d'avance, et c'est rageant d'être si près mais en même temps toujours aussi loin de le battre.

Ils ont posté des policiers dans les aéroports, qui verbalisent désormais tous les "déplacements non essentiels". Cette mesure restera en place jusqu'en automne au moins, peut-être même jusqu'en 2022. Mais c'est quoi du coup, un déplacement essentiel ?

Parce que j'admets que j'ai un peu du mal à faire mon deuil d'une nouvelle année sans famille et sans amis, et de voir des photos de gens à la neige sur Facebook qui râlent qu'il fait pas beau et qu'on peut pas faire du ski, ou entendre J. me raconter les déboires de son ami coincé à Lanzarote parce qu'il y passe tous les hivers, c'est meilleur pour ses os, mais là, le pauvre, il peut plus revenir rendez-vous compte, ben en fait ça me fait juste rager. Alors je me tais, parce que comme j'essaie d'apprendre à Dragon2, quand on n'a rien de gentil à dire c'est mieux de ne rien dire du tout, et je passe à autre chose.

Après le gros clash de la semaine dernière, on a décidé d'écrire une "charte du homeschooling" où sont énoncées clairement les attentes et les limites, de façon à limiter les conflits. Il y a eu des compromis des 2 côtés, tout le monde a signé, et il semble que l'atmosphère soit un peu apaisée, autour du travail scolaire au moins. En dehors, ça reste tendu. Lundi, Dragon2 a pleuré. Juste pleuré, parce qu'il était puni une fois de plus, et ça, ça a eu l'air de toucher J. Parce que d'habitude il se renferme, et il fait la gueule, et il pleure avec moi le soir, mais là il a pleuré devant elle, et elle était toute ennuyée de découvrir (après 1 an et demi !) que c'est un enfant sensible au fond. Espérons que ça la fera bouger aussi, mais j'ai quand même les boules. Du coup, je n'ai pas une confiance absolue, et les enfants (avec leurs supers-antennes qu'ils ont depuis tous bébés) le ressentent je pense, ça doit jouer dans la façon dont ils s'adressent à elle. Ca me met dans une position compliquée, et pfff, qui aurait cru que c'était tant de boulot d'avoir une aide à la maison ? Les gens, c'est vraiment compliqué.



Enfin ! On a eu les réunions de mi-parcours avec les maîtresses des dragonnets (par zoom, on ne précise plus), et c'était plutôt agréable d'entendre qu'elles n'avaient que des choses positives à dire. Sur leur premier trimestre, mais aussi sur leur boulot depuis que les classes à distance ont repris. On a eu la nette impression qu'elles ne s'attendaient pas à ce qu'ils travaillent autant, ou qu'ils restent intéressés par ce qui se dit en classe. Elles reconnaissent à quel point c'est difficile, et disent que nous faisons du bon boulot, ce qui m'a mis un peu de baume au coeur.

L'Etat va mettre en place des heures subventionnées pour les enfants avec "des besoins spéciaux complexes" (youhou, c'est nous!) L'idée c'est de pouvoir payer une personne pour intervenir en face-à-face au domicile pour aider là où zoom ne suffit pas. Idéalement, ce serait une personne de l'école (maîtresse ou AVS) qui interviendrait en dehors des heures de classe. Qu'on ne vienne pas me dire que les profs ne se décarcassent pas assez, hein. On verra ce qui est possible, mais si on pouvait avoir quelqu'un d'extérieur pour travailler spécifiquement sur l'organisation avec nous ça serait peut-être pas mal. Ca apporterait une bouffée d'air frais (qu'importe s'il faut se masquer ou ouvrir les fenêtres !)

Sur le texte du gouvernement, ils disent que les heures seront payées dans la limite de 20 par enfant, à prendre entre maintenant et la fin de vacances de Pâques... Genre, on a fait un trimestre complet à la maison l'an dernier, et ça va être pareil cette année. Comme je disais : ce n'est plus vraiment l'exception, ça devient la nouvelle règle. 

Roger est de retour. D'accord avec le garagiste, il a eu droit à une chirurgie palliative (qui n'était déjà pas donnée) et il roule de nouveau, mais après 16 ans et plus de 220.000 km il est temps d'envisager de le mettre à la retraite. On va donc rajouter sur la liste des trucs d'adulte à faire : trouver une nouvelle voiture.

Ah. First World Problem.

L'art

L'atelier de l'artiste

On travaille les angles et les fractions...



mardi 2 février 2021

(Parenthèse : les écueils de la communication)

 Je veux ici relater une anecdote qui à mon sens illustre bien les difficultés qu'on peut rencontrer avec un enfant autiste.

Le lundi n'est jamais facile : une semaine recommence, je travaille, et il faut reprendre le homeschool. Hier, au moment du repas, Dragon2 s'est adressé à J. et lui a dit "Je ne t'aime pas. Je n'aime pas quand tu es là. Et je crois que c'est pour ça que je n'aime pas ce que tu fais à manger." Il a été puni. Il doit produire une lettre d'excuses manuscrite.

Quand je suis rentrée, il était dans sa chambre et J. m'a expliqué la situation en disant : "Je ne lui en veux pas, mais il doit comprendre qu'il ne doit pas me manquer de respect. Je vous demande de le priver d'écrans jusqu'à ce que j'ai eu ma lettre."

Quand je suis montée le voir, Dragon2 était vraiment bouleversé. Très en colère. "J. elle est méchante !"

En reprenant les choses calmement avec lui, il apparaît qu'il n'a pas compris du tout pourquoi il était puni. Pour lui, c'était une décision arbitraire, et volontairement méchante puisqu'elle a choisi comme punition la chose qu'elle sait qu'il déteste le plus. Et elle use de son autorité pour le priver d'une chose qu'il aime tant qu'il n'a pas obéi à sa décision.

Jusqu'à ce que je lui explique, Dragon2 n'avait pas réalisé que ses paroles pouvaient blesser J. Il n'est pas venu le lui dire dans l'intention de l'attaquer, puisque (j'allais dire, par définition) il ne se met pas à la place de la personne qui reçoit ses paroles. (Et probablement que même en se mettant à sa place, ça ne lui ferait ni chaud ni froid à lui alors comprendre pourquoi elle se fâche est au-delà de ses capacités). Pour lui, il énonçait un fait, et une tentative d'explication. 

A vrai dire, je pense que c'était une preuve de confiance au moins, de s'ouvrir, même maladroitement, de ses émotions négatives, et tout ce qu'il en a retenu c'est que s'il exprime quelque chose de négatif en la présence de J. il sera puni. Pour le coup, je suis déçue de la réaction de J. Pour une adulte expérimentée qui a déjà travaillé avec des enfants autistes, j'attendais une réponse moins émotionnelle.

Quelque chose dans le genre " Je suis désolée que tu ne m'aimes pas. Je comprends que tu préfèrerais être avec ta maîtresse ou ta maman, mais ce n'est pas possible. Tu n'es pas obligé de m'aimer pour manger ce que je prépare." Après quoi, il était temps d'ajouter : "Regarde mon visage : tu vois, je ne souris pas et mes yeux sont tristes parce que ce que tu m'as dit n'était pas approprié et ça m'a fait de la peine. Dire aux gens qu'on ne les aime pas n'est pas une chose très gentille."

Je pense qu'elle aurait eu des excuses à ce moment, et plus sincères que n'importe quelle lettre écrite sous la contrainte.

En attendant, ça nous met, Monsieur Dragon et moi, dans une position inconfortable, pour rattraper le coup sans saper l'autorité (déjà sans arrêt testée et repoussée) de la nounou.

Nous avons écrit la lettre ensemble, Dragon2 et moi. Parce que même s'il ne l'a pas fait exprès, quand on fait mal ou de la peine à quelqu'un, on s'excuse. On a convenu que, s'il avait à dire quelque chose et qu'il n'était pas sûr que ce soit gentil ou pas, il vérifie avec moi d'abord. Et on a discuté sur le fait que des fois, c'est mieux de ne rien dire que de dire des choses qui blessent.

De mon côté, je vais essayer d'en toucher un mot à J. avec autant de diplomatie que je peux. Au fond de moi, je déplore vraiment qu'en appliquant ses méthodes de "Super Nanny" stricte, elle ait compromis davantage le respect et la confiance qu'elle attend de Dragon2. Le connaissant, ça va être difficile à rattraper. Et il plus facile d'expliquer les émotions d'un adulte à un enfant que de faire entendre à une personne sûre d'elle et de ses méthodes qu'elle a complètement foiré sur le coup (et qu'elle foire très certainement depuis 20 ans qu'elle les applique...). Je suis pas super optimiste. J'ai le sentiment que mes tentatives d'explication seront balayées comme le parti pris d'une mère un peu trop gentille avec son enfant. (Après tout, si je l'élevais mieux cet enfant, il ne dirait pas des choses comme ça pour commencer...)

Je me félicite qu'elle ne soit que la nounou, finalement, et que son père et moi puissions accueillir les émotions de Dragon2 et l'aider à naviguer dans les eaux troubles qu'est la communication avec les autres gens qui pensent "normalement". Je frémis en pensant à ces enfants pour qui c'est la réponse par défaut, et qui grandissent en intégrant qu'il ne faut rien dire d'autre aux adultes que ce qu'ils veulent entendre, et qu'il faut surtout ne pas parler de ses émotions négatives sous peine d'être puni.