dimanche 27 mai 2018

Growing up

J'avais prévu de poster un petit billet sur growing up day, comment ça s'était bien passé, à quel point j'étais fière de mon Dragon1 et comment j'espérais que les émotions allaient retomber un peu maintenant.

Mais ça c'était avant. Avant le coup de fil de jeudi 17 mai, alors qu'on lisait le livre sur les hummingbirds, l'appel qui m'annonçait que Papi B., mon papa à moi, était mort. Comme ça, pouf. Parti en randonnée comme chaque semaine, tout va bien, il marche et discute avec ses collègues, et puis pouf. Il tombe, son coeur s'arrête, et c'est la fin.

Autant dire que ce fut un sacré choc, le vendredi matin d'annoncer aux enfants que non, on ne va pas à l'école, on prépare la valise et on saute dans l'avion pour rejoindre le reste de la famille. Très honnêtement, je crois qu'au début le côté vacances à l'improviste + visite des cousins est ce qui les a le plus marqués. Il a fallu quelques jours pour que la réalité les touche, et comment leur en vouloir, quand je peine encore à y croire moi-même ?

Ce fut une longue semaine jusqu'aux funérailles, ce fut un jour éprouvant, que nous avons tous traversé avec nos hauts et nos bas, nos mécanismes de défense. MonsieurDragon, dont le moral n'était déjà pas au beau fixe, est devenu mutique, Dragon1 passe de discours enjoués sur Minecraft à de gros sanglots, chougne pour un oui ou un non et répète à l'envi que "c'est pas juste" (alors qu'on est tous d'accord que ce qui n'est pas juste, c'est que son Papi soit parti). Dragon2 gigote et fait le difficile à table, promène ses doudous partout, se colle à tout le monde et de temps en temps nous sort quelques vérités non fardées, avec beaucoup de questions sur la vie, la mort, et la peur de me perdre. Moi...

Moi, très honnêtement, je ne sais pas bien. La mort de mon papa me fait passer d'un coup de "grande petite fille qui peut courir trouver refuge chez ses parents à tout moment" à "adulte responsable qui doit veiller sur sa maman". Après les vagues de chagrin qui m'ont assaillies la semaine dernière en me laissant à genoux en train de reprendre mon souffle, je nage désormais dans une eau froide et grise, la tristesse colore tout ce que je fais. J'ai déconnecté mes émotions et j'agis, pas après pas, jour après jour, en me demandant encore pourquoi on en est là, et si c'est vraiment vrai que je ne le reverrai plus.

Je suis infiniment reconnaissante de notre belle famille, je me suis rarement sentie aussi proche de mon frère que ces derniers jours, on a beaucoup pleuré tous les quatre, ma mère, mon frère, ma soeur et moi, mais on était ensemble et j'y puise une sacrée force, malgré que nous soyons tous encore vacillants sous ce coup du sort.

Les cendres dispersées, les gens le sont aussi, retournant à leurs occupations. Nous tâchons de reprendre le cours d'une vie qui n'est plus la même.
Pour les dragonnets et moi, nous jouons les prolongations auprès de Mamie. C'est un peu bizarre, la maison est la même mais semble différente, il y a des souvenirs de Papi dans tous les recoins.

J'imagine qu'il faudra du temps pour s'adapter à cette absence, j'imagine que ce premier "vrai" deuil va marquer une époque dans la vie de mes enfants, j'imagine que j'ai devant moi plusieurs mois d'angoisse et de comportements difficiles. J'imagine que cette mauvaise blague m'aura fait grandir d'un coup, moi qui ai toujours détesté ça.

Pourquoi, Papa ?

mercredi 9 mai 2018

Mai

Ca ne m'avait pas manqué. Les convocations un peu gênées sur le mode "y a rien de grave hein, mais on voudrait vous parler..." Deux cette semaine pour Dragon1, une pour l'afterschool, une pour la maîtresse.

C'est vrai que dernièrement il est plus à fleur de peau. C'est vrai qu'il a émis le souhait de ne plus aller à l'afterschool et de rentrer seul à la maison retrouver sa chambre et son ordinateur après l'école.
C'est vrai qu'il prépare depuis un mois une "cérémonie de passage" (growing up day) et que ça lui met la pression. C'est vrai que son père était absent pendant 2 semaines. C'est vrai que j'ai mentionné que peut-être je devrais travailler plus et que ça lui a paru insurmontable. C'est vrai qu'effectivement, j'ai enchaîné en peu de temps week-end puis jour férié de garde, et jours supplémentaires à l'hôpital. C'est vrai qu'il dit y voir moins bien au tableau et a peur de devoir porter bientôt des lunettes. C'est vrai qu'il ressent de plus en plus un décalage entre lui et les autres, et que ça commence à le travailler alors qu'il s'en foutait jusque là.

Tout ça est vrai.

Et c'est vrai aussi que tout équilibre avec lui reste précaire, et que petite goutte par petite goutte, on fait tout basculer.
Et qu'une fois par terre, c'est encore et toujours moi qui ramasse, qui remonte, qui recolle, qui répare, qui caresse dans le sens du poil les uns en tapotant la main des autres.

C'est lourd. C'est dur. J'en ai marre.
Des fois, j'aimerais imaginer qu'on est une famille presque comme les autres et puis, ben non. Après, c'est peut-être aussi difficile pour les autres, qu'en sais-je ? Juste, y a des soirs où je me demande où je vais bien pouvoir trouver l'énergie.

Oh, je la trouverai, je le sais bien. Grosso modo, on va sortir le blabla habituel, blabla "gestion des émotions", blabla "toolbox", blabla "dialogue positif", blabla "reward chart", blabla blabla... Je vais doubler la dose de câlins en remettant des limites ici et là, dépenser des sous pour un casque anti-bruit qui sera cassé dans un mois et compter sur le temps, mon plus fidèle allié, pour que la vague retombe, que revienne un semblant d'équilibre et tout le monde pourra s'auto-congratuler sur l'efficacité de ces réunions et des mesures prises. Youhou \o/

Ca se voit peut-être un peu trop que je suis désabusée là non ? :p

Bon, alors pour ne pas finir sur une note trop négative, disons que Dragon2, lui, ben ça va. Il n'y a rien à dire, ce qui n'est déjà pas mal. Au contraire, il reste très cool devant les remarques parfois très blessantes ou injustes de son frère, et je suis très fière de lui. Pourvu que ça dure !