mercredi 29 avril 2020

Coronavirus : semaine 7

On reprend le dessus.

Les difficultés de Dragon1 à gérer son temps permettent au moins de voir avec lui l'importance de planifier son travail et l'intérêt d'établir un réel emploi du temps et de s'y tenir. Du coup, ça l'aide et il a demandé à ce que je prenne 20 min avec lui avant de partir au boulot le lundi matin pour établir avec lui celui de la semaine à venir.
C'est cool, mais honnêtement, j'aimerais que le prof mette les choses en ligne le dimanche soir, ce serait plus facile :)

Pour Dragon2, les tâches sont assignées jour par jour par la maîtresse. Mais en règle générale, il démarre en trombe et vers le milieu de la matinée il n'a plus envie et c'est dur de le remotiver.
J'ai beaucoup de mal à aider en Irish, du coup c'est sans doute là où ils prennent le plus de retard.

Cette semaine c'est Active Week, alors en plus des devoirs il faut aussi veiller à ce qu'ils se dépensent au moins 1h par jour et faire des vidéos à envoyer à l'école.

Et pour la science, le prof de Dragon1 a proposé plusieurs expériences réalisables à la maison. Du coup, on s'y est collés cet après-midi : après le pont en spaghetti, les fluides non newtoniens... C'est sympa, mais quand je vois l'état de ma cuisine, je me dis qu'on en fait, des sacrifices, pour que ces petits apprennent...





Encore une semaine de "confinement dur" normalement, mais il y a des chances que ça se prolonge... Le Taoiseacht a dit aujourd'hui que les conditions n'étaient pas réunies à l'heure actuelle pour envisager un assouplissement. Y a du relâchement cependant. De jour en jour, le nombre de voitures sur l'autoroute augmente. Les contrôles de police se font plus fréquents aussi (déjà 4 contrôles pour moi).

On tourne encore à une cinquantaine de morts par jour, même si le nombre de nouveaux cas est à la baisse. Les pédiatres anglais et australiens ont lancé hier une alerte sur un nombre inhabituel de syndromes de Kawasaki chez les enfants, peut-être en lien avec le Coronavirus. Ce virus-là, on dirait la syphilis : il fait un peu tout un peu n'importe où, un peu n'importe comment. Ca va devenir compliqué à force.

Avril se termine, on va attaquer le mois de mai. En 2 mois, qu'est-ce que les choses ont changé ! J'avais même oublié que lundi prochain était férié. C'est pas comme si ça bouleversait beaucoup nos plans de toutes façons...

mercredi 22 avril 2020

Coronavirus : semaine 6.

C'est pas simple.
Oui, c'est plutôt compliqué cette semaine. Le moral n'y est pas. Tout le monde craque un peu.

Dragon2 n'en peut plus de rester enfermé entre 4 murs. Les sorties au jardin se soldent rapidement par des disputes, des jeux salissants ou dangereux ou des destructions diverses (mes jeunes plantations de courgettes, notamment). Dans sa chambre, il décide de faire des tags sur les murs à l'aide du papier aluminium roulé en boule de ses oeufs de Pâques. Il classe et il aligne, beaucoup. Récemment, il a retrouvé un jeu délaissé qu'il avait eu à Noël il y a 2 ans et était ravi, mais son frère a cassé une pièce et il a eu un gros meltdown. D'habitude, c'est plutôt Dragon1 qui se laisse déborder de la sorte, du coup ça surprend. Et puis, sans surprise, ce qui marche pour calmer l'un ne marche pas pour calmer l'autre... J'ai pas encore osé regarder comment on allait s'y prendre pour remplacer la figurine cassée, c'est pas comme si les magasins étaient tous ouverts en ce moment...

Pour Dragon1 c'est difficile aussi. La reprise scolaire, même en gardant un peu de travail pendant les vacances, se fait beaucoup sentir. Le prof a adapté les cours et met en ligne la totalité de ce qu'il y a à faire pour la semaine, mais c'est quand même une grosse somme de travail, et ça, ça le paralyse, Dragon1. Même en lui découpant en plus petits morceaux, il peine à s'y mettre, se perd dans des détails, s'énerve sur des notions déjà acquises. Il a perdu une autre dent, et son appareil dentaire est maintenant décollé à deux endroits. Pas grand-chose à faire, l'orthodontiste est fermé de toutes façons, mais ça fait suer.
Depuis le week-end dernier, il tousse facilement, avec parfois même des crises de sifflements. Il n'a jamais vraiment fait d'asthme, mais entre les plantes qui explosent de pollen et le temps passé dans sa chambre poussiéreuse, j'imagine qu'il y a de quoi être un peu surstimulé. Du coup, j'ai commencé la Ventoline, pour voir si ça aidait. Alors ça aide pour la toux. En revanche, quand il hyperventile un peu et bloque sa respiration pour la bouffée, il tourne de l'oeil ! Je ne suis pas plus affolée que ça, mais lui a eu très peur. S'il s'avère qu'il est comme son grand-père qui avait le vagal vif, ça va être gai...

C'est difficile aussi pour Monsieur Dragon. Le télétravail c'est parfois compliqué, et sans donneurs de temps réguliers il glisse de plus en plus vers son rythme naturel : tard le matin, tard le soir. Après plus d'un mois sans mettre le nez dehors, il a fini par enfiler des baskets pour faire le tour du pâté de maison, parce que même pour un Dragon, rester sans bouger entre les 4 mêmes murs, à la longue c'est compliqué.

Moi je sors, une fois par semaine pour faire les courses, deux fois pour aller m'asseoir devant mon écran au boulot. J'ai été contrôlée 2 fois déjà, et j'ai terriblement honte de montrer mon papier "frontline worker" quand je vois à tout casser 3 enfants par semaine. Malgré ça, j'ai réussi à rater la réunion avec le Big Boss, et je me retrouve chaque semaine avec de nouvelles responsabilités administratives. Le syndrome de l'imposteur est à son comble, mais au moins je me félicite d'être salariée, sans quoi je serais bien dans la panade.

Il semble que le virus ralentisse un peu. Les nouveaux cas sont principalement dans les maisons de retraites et centre d'hébergement, ça diminue nettement dans la population générale. La mortalité reste élevée, du coup, mais les réa ne sont pas saturées, et les centres de tests ne sont plus à capacité. Du coup, ils parlent de ré-élargir les critères de test, et de réfléchir à un déconfinement progressif début mai. Les dernières nouvelles du côté immunologique ne sont pas toutes roses : manifestement, il ne suffit pas de l'avoir choppé pour être tranquille, et les particularités de la réponse immunologique vont rendre la réalisation d'un vaccin efficace longue et compliquée.

Bref. C'est pas simple.

mercredi 15 avril 2020

Coronavirus : semaine... 5 ?

5, 6, 8 ?
Le temps devient flou, il est plus difficile de le quantifier en confinement.

Le temps fait son oeuvre aussi, cette belle (ou non) magie qui fait qu'on s'habitue à tout. Après la quête panique d'informations sur le coronavirus, j'arrive au stade de la lassitude. Trop d'infos tue l'info. Y a-t-il encore des choses qui n'ont pas été dites ?  "Ya beaucoup de gens qui l'ont fait sans le savoir". "En fait non, en population, seule une toute petite partie est immunisée". Que représentent les chiffres ? Qu'est-ce qu'on compte exactement ?
Je sature de cette cacophonie d'opinions mélangées aux faits, de chiffres et de graphes. J'en conçois l'importance, mais elle ne me touche plus avec la même intensité. Les chiffres maintenant, c'est pour les décideurs, ceux qui se retrouvent à devoir mener notre barque (oui gouverner) parmi les écueils.

On s'habitue. Sûr, c'est plus facile quand on a de la compagnie, des revenus et un jardin.

La maison, loin d'être une prison, est devenu un habitacle protégé. Ici, nous vivons à 4, dans notre monde clos, où apparaît J de temps à autre. Je pense à ces séries SF, "The Expanse" ou autre, où les colons martiens ou Belters n'ont jamais rien connu d'autre que leur gravité artificielle et leur petite cabine spatiale. En sortant, pour le travail ou les courses, j'ai de plus en plus l'impression de naviguer entre ces bulles que sont le travail, la maison, le supermarché. Je m'équipe, mentalement et bientôt sans doute physiquement, pour sortir, et je rêve d'un petit sas à l'entrée de chez moi où laisser le monde extérieur contaminé. Le supermarché ou le travail ressemblent à des sorties extra-véhiculaires : on fait ce qu'on a à faire, mais il faut garder présent à l'esprit, tout le temps, les règles de sécurité. Les intégrer jusqu'à ce que ça fasse partie de nous. Ces séries qui font paraître normaux des gestes qui ne nous sont pas du tout naturels ont toujours été fascinantes pour moi.



Lentement, cette image s'impose à moi. Le virus est là. Jusqu'à ce qu'on ait un vaccin, où que la majeure partie d'entre nous y soit passée, il restera. Les mesures prises dans l'urgence et, oui un peu la panique, vont devoir faire place à une toute autre réflexion, celle de comment "faire avec". Et ça, personne ne sait trop comment faire, donc il y aura encore beaucoup de tatonnements et de consignes contradictoires. Tout le monde regarde la copie de son voisin, mais personne n'a le corrigé.

L'économie va souffrir. Indéniablement. Ceux à qui elle profitait voudront revenir à l'état d'avant. Je ne suis pas certaine que ce soit le meilleur chemin. Je n'en sais rien.
Ce ne sont pas des pensées très optimistes. Après le choc, le déni, la colère, la tristesse. Le temps fait son oeuvre.

Advienne que pourra. A titre très personnel et égoïste, je me réjouis du travail effectué depuis un an ou deux dans notre petite famille à écailles. Il y a bien eu un gros meltdown de Dragon1 (pile à la date où nous aurions dû atterrir en France), et oui, la routine du soir avec Dragon2 consiste à le recadrer et répéter encore et toujours les mêmes rengaines tant il se perd en chemin, mais honnêtement on s'en sort bien. Témoins ces quatre jours de vacances où la seule fois où nous avons déverrouillé la porte d'entrée fut pour ouvrir au livreur du restaurant local. Là où on passait pour des rustres asociaux nous sommes devenus une famille exemplaire - sans rien changer dans nos habitudes.


Bugnes et chocolat !

Les dragons se reposent

2 naufragés sur leur bateau


Certes, quand on pense à l'année dernière, on est nostalgiques. C'était cool la chasse aux oeufs entre cousins, à 16 dans une seule maison. C'était cool de passer des heures à écouter les copains papoter en sirotant une bière à l'ombre en bonne compagnie. Ca manque. J'espère que nous pourrons de nouveau le faire. Mais les groupes WhatsApp s'animent, les échanges se font, on se voit en haché et quadrillé par caméra interposée. Et ça fait du bien.

Le temps est flou. Personne ne sait très bien où on va. Les volcans explosent, les criquets s'abattent, Tchernobyl se réveille, le virus passe et parfois terrasse. Le temps, lui, continue, comme toujours, ni plus ni moins. On s'habitue. Comme toutes les générations avant nous. Et comme le feront celles d'après. Pour nous, il n'y a que l'ici et maintenant.

mercredi 8 avril 2020

Coronavirus : semaine 4

28 jours très exactement depuis que j'ai commencé à me sentir fébrile, 27 depuis que les écoles ont fermé. L'énergie revient doucement, même si je peine à faire mes 20 minutes de Just Dance contre 40 habituellement. Je tousse encore un peu, surtout le matin. Une toux post-infectieuse je dirais, dernière élimination de cellules mortes et de déchets divers.

Depuis vendredi dernier, une semaine après ma sortie d'isolation, c'est Monsieur Dragon qui a pris le relais. La tête vaguement cotonneuse, un peu plus fatigué, une petite brûlure rétrosternale et l'impression de respirer dans une salle de réunion bondée en permanence. Mais zéro fièvre, et la toux ne commence que ce matin.
Vu qu'il n'a pas mis les pieds hors de la maison en 1 mois, c'est certain que je lui ai filé mon truc. Mon truc pas Covid donc, mais alors je me demande quand même bien ce que ça pourrait être. Je n'ai aucun doute sur le fait que mon prélèvement ait été fait en nasal profond, mais il paraît que parfois la bête se cache plus loin... Bref, vivement les sérologies quand même.

Difficile à imaginer, mais il y a un mois encore, je croyais que nous serions en France aujourd'hui, à visiter la famille et manger du chocolat. Au rythme actuel, j'espère que l'avoir de la compagnie aérienne sera valable longtemps...

Bon, pour le chocolat, on devrait pouvoir s'arranger. Pour les vacances, on va faire au mieux. J'ai annulé mes congés annuels, et je vais profiter tranquillement d'un grand week-end de 4 jours. Honnêtement, c'est pas comme si j'avais désespérément besoin d'une pause. On continue aussi le travail scolaire, tranquillement. Il n'y a plus les maîtres/esses pour guider, mais on garde l'habitude de travailler un peu le matin. Quelque chose me dit que l'école ne rouvrira pas à la fin des vacances comme initialement envisagé, et maintenant qu'on a un rythme, on le tient !

Le fort du salon

Activité lecture

Ils sont malheureux ces enfants !


On s'habitue malgré tout à cette nouvelle normalité, au vigile qui filtre les entrées devant le supermarché, à la prise de température systématique en arrivant au boulot, à la M50 plus fluide que fluide. Des fois même, pour une heure ou deux, j'arrive à oublier.

Heureusement, le temps se met au beau. On peut profiter du jardin davantage, et partir explorer les recoins inconnus du quartier.

Si on ne cadre pas le vieux caddie rouillé, le petit ruisseau derrière le lotissement est vraiment charmant !

Activité travaux manuels avec les joncs du marécage

Le rhododendron fleurit.


Par moments, je me dis : "Bon, allez, assez duré, on dit que c'est fini maintenant ?" Puis je réfléchis et je lis, et je me dis qu'en fait, non. Que comme disait Churchill, ce n'est pas le début de la fin, c'est sans doute à peine la fin du début. Il avait vraiment le sens de la phrase.

Son successeur, après avoir minimisé le danger, continué son agenda politique, serré des mains partout se retrouve désormais en soins intensifs, victime de cette "grippette". Je lui souhaite de s'en remettre, mais y a de quoi soupirer quand même.

Lentement, parmi mes connaissances, les cas se confirment. Tick, tick.

Rien d'autre à faire pour l'instant qu'attendre la vague en se tenant à flot avec nos pauvres brassards, en espérant qu'on pourra reprendre pieds avant la prochaine.



jeudi 2 avril 2020

Coronavirus : semaine 3

Les jours se suivent et se ressemblent.

Les rues sont vides, on se sent presque en infraction quand on fait le tour du pâté de maison et on se dépêche de rentrer - et de se laver les mains.

J'ai repris le travail - enfin officiellement. En pratique, les consultations pédiatriques c'est vraiment très très très calme, il n'y a pour ainsi dire plus de demande. Je réponds au téléphone, principalement, je donne quelques conseils, parfois je vois un enfant (avec mon pyjama, mon masque simple voire FFP2 pour lui regarder la gorge). Honnêtement, j'ai un gros sentiment d'imposture, de glander autant quand fleurissent les messages de soutien aux professions de santé. "Tu faisais quoi, toi, pendant la pandémie ?"
D'un autre côté, j'ai vraiment, mais vraiment pas envie de me retrouver à faire de l'adulte, confrontée à des situations impossibles. Je préfère me faire petite et avoir honte de glander toute seule dans ma salle de consult, prête à voir tous les enfants qu'on m'enverra, et justifiant mon salaire en me fardant les analyses de dossiers et autres audits qu'on n'a jamais le temps de faire autrement.
Je me dis que ça peut changer, que si le confinement doit durer les gens vont re-consulter, parce qu'on peut attendre 2 ou 3 semaines parfois, mais pas forcément 4 mois. On verra.

L'école à la maison continue. On se débrouille pas mal, avec des hauts et des bas. Il a fallu que j'ajoute aux exercices de Dragon2 en piochant dans la classe supérieure pour qu'il se pose enfin plus d'une heure.
Dragon1 continue les classes virtuelles (en apprenant au passage les trolls et les règles de sécurité sur le net, ce qui est ma foi une excellente leçon !). Bon, ça a quand même ses mauvais côtés, genre passer 30 min à essayer d'uploader une vidéo du projet demandé parce que les app ne communiquent pas entre elles, et que le format de la vidéo ne lui convient pas, et qu'on peut uploader avec un compte "étudiant" mais pas un compte "parent"...

Pour la peine, je vous la mets, la vidéo du projet intitulé : à l'aide de matériel trouvé chez vous, construisez quelque chose capable de protéger un oeuf d'une chute de 1m. Qu'est-ce qu'on s'amuse !

La nature s'éveille, nos plants de courgette poussent, mais en pratique on a plutôt l'impression d'une hibernation. Le rythme de vie paraît plus lent, les jours s'étirent, tout est calme (presque plus d'avions au-dessus de nous et nettement moins de trafic sur la route qui jouxte le jardin : on apprécie le silence).

C'est une drôle de dichotomie entre les chiffres qui gonflent tous les jours, les réseaux sociaux et leurs polémiques, le sentiment de vivre un événement planétaire qui déterminera un "avant" et un "après" et le calme de nos vies. C'est pas facile d'associer les deux.

Et puis il y a ma collègue qui fond en larmes quand je lui dit bonjour lundi matin, parce que son beau-père est mort en 2 jours du covid pendant le week-end. Saloperie de virus, quand même.

Je guette le frigo, j'essaie de repousser au maximum le temps d'une nouvelle expédition supermarchétaire (si, si, ça existe comme mot, je viens de l'inventer), je garde mon attestation d'inscription à l'Ordre dans mon sac au cas où des policiers voudraient s'assurer que je suis bien une travailleuse essentielle, je lis et je m'informe. Et je reste chez moi, autant que faire se peut.

Il parait que je sauve des vies.