Le temps devient flou, il est plus difficile de le quantifier en confinement.
Le temps fait son oeuvre aussi, cette belle (ou non) magie qui fait qu'on s'habitue à tout. Après la quête panique d'informations sur le coronavirus, j'arrive au stade de la lassitude. Trop d'infos tue l'info. Y a-t-il encore des choses qui n'ont pas été dites ? "Ya beaucoup de gens qui l'ont fait sans le savoir". "En fait non, en population, seule une toute petite partie est immunisée". Que représentent les chiffres ? Qu'est-ce qu'on compte exactement ?
Je sature de cette cacophonie d'opinions mélangées aux faits, de chiffres et de graphes. J'en conçois l'importance, mais elle ne me touche plus avec la même intensité. Les chiffres maintenant, c'est pour les décideurs, ceux qui se retrouvent à devoir mener notre barque (oui gouverner) parmi les écueils.
On s'habitue. Sûr, c'est plus facile quand on a de la compagnie, des revenus et un jardin.
La maison, loin d'être une prison, est devenu un habitacle protégé. Ici, nous vivons à 4, dans notre monde clos, où apparaît J de temps à autre. Je pense à ces séries SF, "The Expanse" ou autre, où les colons martiens ou Belters n'ont jamais rien connu d'autre que leur gravité artificielle et leur petite cabine spatiale. En sortant, pour le travail ou les courses, j'ai de plus en plus l'impression de naviguer entre ces bulles que sont le travail, la maison, le supermarché. Je m'équipe, mentalement et bientôt sans doute physiquement, pour sortir, et je rêve d'un petit sas à l'entrée de chez moi où laisser le monde extérieur contaminé. Le supermarché ou le travail ressemblent à des sorties extra-véhiculaires : on fait ce qu'on a à faire, mais il faut garder présent à l'esprit, tout le temps, les règles de sécurité. Les intégrer jusqu'à ce que ça fasse partie de nous. Ces séries qui font paraître normaux des gestes qui ne nous sont pas du tout naturels ont toujours été fascinantes pour moi.
Lentement, cette image s'impose à moi. Le virus est là. Jusqu'à ce qu'on ait un vaccin, où que la majeure partie d'entre nous y soit passée, il restera. Les mesures prises dans l'urgence et, oui un peu la panique, vont devoir faire place à une toute autre réflexion, celle de comment "faire avec". Et ça, personne ne sait trop comment faire, donc il y aura encore beaucoup de tatonnements et de consignes contradictoires. Tout le monde regarde la copie de son voisin, mais personne n'a le corrigé.
L'économie va souffrir. Indéniablement. Ceux à qui elle profitait voudront revenir à l'état d'avant. Je ne suis pas certaine que ce soit le meilleur chemin. Je n'en sais rien.
Ce ne sont pas des pensées très optimistes. Après le choc, le déni, la colère, la tristesse. Le temps fait son oeuvre.
Advienne que pourra. A titre très personnel et égoïste, je me réjouis du travail effectué depuis un an ou deux dans notre petite famille à écailles. Il y a bien eu un gros meltdown de Dragon1 (pile à la date où nous aurions dû atterrir en France), et oui, la routine du soir avec Dragon2 consiste à le recadrer et répéter encore et toujours les mêmes rengaines tant il se perd en chemin, mais honnêtement on s'en sort bien. Témoins ces quatre jours de vacances où la seule fois où nous avons déverrouillé la porte d'entrée fut pour ouvrir au livreur du restaurant local. Là où on passait pour des rustres asociaux nous sommes devenus une famille exemplaire - sans rien changer dans nos habitudes.
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Bugnes et chocolat ! |
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Les dragons se reposent |
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2 naufragés sur leur bateau |
Certes, quand on pense à l'année dernière, on est nostalgiques. C'était cool la chasse aux oeufs entre cousins, à 16 dans une seule maison. C'était cool de passer des heures à écouter les copains papoter en sirotant une bière à l'ombre en bonne compagnie. Ca manque. J'espère que nous pourrons de nouveau le faire. Mais les groupes WhatsApp s'animent, les échanges se font, on se voit en haché et quadrillé par caméra interposée. Et ça fait du bien.
Le temps est flou. Personne ne sait très bien où on va. Les volcans explosent, les criquets s'abattent, Tchernobyl se réveille, le virus passe et parfois terrasse. Le temps, lui, continue, comme toujours, ni plus ni moins. On s'habitue. Comme toutes les générations avant nous. Et comme le feront celles d'après. Pour nous, il n'y a que l'ici et maintenant.
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